Cette robe dite « à l’anglaise » a été acquise par le musée avec l’aide du FRAM et le mécénat des sociétés Piolat Georges, Sofileta et Holding Textile Hermès (HTH), lors d’une vente publique du fonds de la Maison Hamot, le 16 février 2005. Cette prestigieuse maison, fondée en 1762 sous le règne de Louis XV, fut l’une des plus éminentes dans le commerce des étoffes précieuses jusqu’à sa fermeture en 1999. Cet achat a permis d’enrichir le fonds textile du musée, qui compte beaucoup d’étoffes imprimées non transformées mais peu de pièces assemblées.
La robe est aujourd’hui présentée complète grâce à une restauration qui a permis en 2017 la confection du jupon. Cette restauration a été réalisée avec l’aide du mécénat de HTH. Par-dessus le jupon, le manteau est formé par un corsage formant une pointe sur le devant et l’arrière et se fermant sur le devant à l’aide de 13 petites épingles métalliques. Il se prolonge par un petit volant bordé d’un ruban de taffetas de soie vert. Les manches, collantes et mi-longues, sont dotées de la même finition. Depuis la taille, la jupe du manteau s’ouvre librement sur le jupon.
Une impression à la plaque de cuivre
Le manteau de la robe est constitué d’une toile de coton écrue, imprimée en rouge à la plaque de cuivre de guirlandes de fleurs et de petits bouquets enrubannés. L’impression a été réalisée à Jouy-en-Josas ou en Alsace, vers 1785, mais est représentative de ce qui se faisait à la même époque à Bourgoin-Jallieu, avec l’implantation de la manufacture Perrégaux en 1788.
L’impression à la plaque de cuivre permet l’obtention de motifs monochromes. La plaque est gravée en creux à l’aide d’un burin, le travail des artistes se concentre sur les dégradés de tons et les jeux d’ombre et de lumière par un système de hachure. La plaque gravée permet ensuite d’appliquer sur le tissu un mordant, composé de sels métalliques, le plus souvent de fer ou d’aluminium. L’opération est délicate, car les mordants sont incolores. Une fois le mordant appliqué, on procède à la teinture : la toile est plongée dans un bain et la couleur vient se fixer sur les zones imprégnées de mordant. Le fond de la toile s’étant légèrement coloré, elle est ensuite exposée sur les prés pour blanchir. Le bain le plus utilisé est celui de racines de garance, ce qui est le cas sur cette robe. En fonction du dosage et du type de mordant utilisé, la couleur obtenue varie du rouge foncé au rose tendre et du noir au lila, en passant par le violet et le brun.
Il est à noter que les rayures présentes sur la robe constituent une imitation de l’impression sur chaîne. Cette technique d’impression, employée du XVIIIe au début du XXe s. et réalisée sur la nappe des fils de chaîne préalablement à son tissage, confère un certain flou au dessin. La chaîne est remise à l’imprimeur après un premier tissage très lâche dont le but est uniquement de maintenir les fils de chaîne lors des différentes manipulations. Après impression, fixage et lavage, ces fils de trame sont enlevés et les fils de chaîne sont cette fois définitivement tissés avec de nouveaux fils de trame.
La mode au XVIIIe s. : robe à l’anglaise…
Apparue en France dans les années 1770, ce type de robe dite « à l’anglaise » s’inspire de la mode britannique. Les aristocrates anglais ont en effet pris l’habitude, dès le début du XVIIIe s., de se vêtir plus simplement lorsqu’ils ne sont pas à Londres, mais sur leurs terres. Leurs vêtements de tous les jours sont donc élégants, mais plus simples, plus confortables, pratiques à porter en plein air.
La robe à l’anglaise se caractérise ainsi par son corsage très ajusté, formant une pointe sur l’avant et l’arrière et se fermant sur le devant. Les manches sont collantes, longues ou mi-longues, et le décolleté est large et profond. Pour des raisons de commodité et de décence, il est donc habituellement caché par un fichu de gaze transparente ou de fine cotonnade brodée, passé sur les épaules et croisé devant ou enfoncé dans le décolleté. C’est ce « fichu menteur », qui cachait mais suggérait également des rondeurs plus volumineuses qu’en réalité !
Ce corsage ajusté contraste avec la jupe du manteau, ample, légèrement gonflée à l’arrière par un rembourrage appelé « cul de Paris », qui a ici été confectionné lors de la restauration. Ces formes mettent ainsi en valeur l’étroitesse du buste et la rondeur des hanches. La jupe s’ouvre librement sur le jupon, et finit par une légère traîne à l’arrière.
La robe peut également se porter « à la polonaise » : des crochets au bas de la robe permettent en effet de la remonter grâce à trois liens fixés à la taille, afin de faciliter la marche. Trois pans se forment alors à l’arrière du manteau. Les chevilles ainsi dégagées, la silhouette devient plus dynamique. Au XVIIIe siècle, on raffolait des symboles et autres allégories. Les 3 pans qui caractérisent le port « à la polonaise » seraient ainsi une métaphore du démembrement de la Pologne, dépecée en trois provinces distinctes entre la Russie, la Prusse et l’Autriche en 1772 ; un événement qui a marqué les esprits en France.
…versus robe à la française
À partir des années 1770, la robe à l’anglaise est donc privilégiée pour la vie quotidienne. La robe dite « à la française », beaucoup moins fonctionnelle, est quant à elle réservée aux cérémonies.
Elle se caractérise par jupon baleiné, le panier, formant une silhouette qui s’étend à droite et gauche mais reste plate sur le devant et l’arrière. Un jupon en tissu cache les baleines du panier et le manteau est largement ouvert sur ce jupon. Il est également ouvert au niveau du buste sur une pièce d’estomac triangulaire, richement décorée, épinglée sur le corset. Les manches finissent en manchettes larges, au niveau du coude, avec un à trois volants de dentelle ou de gaze, les « engageantes ».
La robe se singularise également par la construction de son dos, animé par de grands plis plats, prolongés au sol par une traîne. Les historiens leur ont donné le nom de « plis Watteau » en l’honneur du peintre Antoine Watteau (1684-1721), véritable admirateur de la robe à la française, qu’il a représentée dans de nombreux tableaux.