Portrait de Joseph Marie Jacquard

Claude Bonnefond (1796-1860), peintre ; Carquillat, tisserand ; Didier Petit et Cie, soyeux

Soie tissée

Joseph Marie Charles dit Jacquard (1752-1834), est un inventeur français, à qui l’on doit le métier à tisser mécanique programmable dit métier Jacquard. Quelques mois seulement après la première révolte des canuts, en 1831, qui avait été douloureusement réprimée, la Ville de Lyon souhaitait accomplir un acte fort qui permettrait de restaurer l’image des ouvriers. Elle commande à Jean-Claude Bonnefond, alors directeur de l’École des Beaux-Arts de Lyon et artiste renommé, un portrait de Joseph-Marie Jacquard pour orner l’Hôtel de Ville. Ce portrait, réalisé d’après nature, alors que Jacquard était encore en vie, fut dévoilé au Salon de Paris de 1834 au moment même où mourait l’inventeur. Deux semaines après son enterrement, le tableau était présenté à Lyon. Considéré comme l’image officielle du grand homme, seul portrait existant de lui, ce tableau eut un succès immédiat. Il présente Jacquard dans son intimité, chaussé de pantoufles, en train de travailler, dans son intérieur modeste au carreau cassé et au tapis élimé. Pourtant, Bonnefond a su traduire le feu du regard du génie, qui pose entouré des instruments de sa gloire, la fameuse mécanique dont il a équipé les métiers à tisser et les cartons perforés programmant le tissage. À la fois superbe et humble sur cette image, Jacquard incarne désormais l’industrie de la soie tout entière.

Le portrait connaît une actualité nouvelle en 1839. À cette date, la maison Didier-Petit et Cie imagine, pour l’Exposition des produits de l’industrie française, de reproduire en tissage le tableau monumental de Bonnefond. Pour ce chef-d’œuvre de technique, évidemment, on utilise la mécanique inventée par Jacquard lui-même, afin de rendre un double hommage au grand homme. Le portrait tissé connaît lui aussi un immense succès.

L’image de Jacquard, inventée par Bonnefond et diffusée par Didier-Petit et Cie, devient tellement emblématique de la Fabrique qu’elle est démultipliée à l’infini, par la peinture – la Ville commande à Bonnefond, en 1842, une reproduction à l’identique de son tableau –, la gravure – Joseph-Victor Vibert grave le tableau en 1855 et réalise une prouesse technique en taille-douce – et, bien sûr, par le tissage – jusqu’à la Première Guerre mondiale, le tableau tissé est reproduit par l’École municipale de tissage. Le portrait de Jacquard devient ainsi non plus seulement une image officielle, mais une véritable icône.