Victor Charreton peint ce tableau à l’âge de 26 ans. Il est alors clerc d’avoué à Grenoble. Deux femmes, dont l’une tient une lanterne, se dirigent vers un église. Tout est sombre et seule une étoile, dans une trouée de feuillages, répond à la lumière de la lampe. Victor Charreton est, à cette époque, très marqué par un classicisme provincial. Malgré une restauration récente, le tableau reste dénaturé par le vieillissement des pigments bitumeux qui l’ont assombri. Il subsiste cependant une harmonie subtile de bleu-verts et de rouge brique.
Jules Bourron, son compagnon d’université, a écrit un poème, L’Heure du rosaire, pour le tableau de son camarade.
L’Heure du rosaire
Le village, là-bas, lentement, sans secousse
S’est assoupi, ce soir, comme un enfant lassé ;
Ni cri, ni voix, ni pas ; le bruit même a cessé
Des portes que l’on ferme et verrous que l’on pousse.
Soudain, choc de cristal, fuite d’eau sous la mousse,
Un tintement de cloche au lointain s’est glissé,
Il vient, il monte, il plane… Il est déjà passé…
L’heure grave, idéale, où l’on tombe à genoux,
Pour les « Je vous salue » et les « Priez pour nous ! »
Et notre bonne sœur, très pieuse, la Nuit,
Reprenant aussitôt la prière, sans bruit,
Pensive, égrène au ciel son rosaire d’étoiles.
Par ailleurs, Victor Charreton a écrit un quatrain qui figure dans la catalogue du Salon de Lyon de 1903 :
Un pâle éclat de lune argente le vieux mûr,
Où l’ombre d’un tilleul sur les vitraux s’allonge
Et gagne le clocher qui s’endort ou qui songe,
Quand le vent fait frémir sa cloche dans l’azur