Le Musée de Bourgoin-Jallieu accorde une importance toute particulière à l’art contemporain dans le domaine du textile, qui permet de faire le lien entre tradition et modernité. Depuis 2000, plusieurs expositions temporaires ont montré l’attention que portait le musée à ce domaine et l’intérêt des visiteurs pour cet aspect de la création contemporaine.
Ce fut notamment le cas en 2012, avec l’exposition L’étoffe des femmes, qui donnait à voir 8 artistes femmes utilisant des matériaux et des techniques liés au textile de façon régulière ou occasionnelle : trousseau, parure et décoration, tapisserie ou broderie, peinture… 8 artistes, 8 femmes, 8 façons de transcender le textile et ses techniques associées, chargés d’une histoire et d’une symbolique toute féminine, et de les utiliser en tant que médium artistique.
C’est à cette occasion que l’artiste Sophie Menuet, à la demande du musée, a réalisé Coquille.
Coquille
Pendant son enfance, Sophie Menuet a fait l’expérience traumatisante des violences que son père infligeait aux femmes de sa famille. Mais elle a également reçu beaucoup d’amour et de tendresse de la part de ses grand-mères. C’est cette ambivalence, cette dualité, que l’on retrouve dans ses sculptures de tissu, formes anthropomorphiques et fantasmagoriques la fois attirantes et repoussantes, entre douceur et violence, attraction et répulsion.
Réalisée en coton entièrement doublé de soie, Coquille s’inscrit bien dans cette perspective. La statue, déshumanisée, est constituée d’un assemblage de différents morceaux additionnés, superposés et joins, à l’aide de couture et d’épingles, comme les différentes parties d’un corps démantelé. Les bras, le buste, le torse, les jambes ou le dos se dessinent aux points.
L’aspect anguleux, causé par les nombreuses surpiqûres, rend l’œuvre inquiétante et menaçante. La tête apparait couturée, boursouflée, craquelée. La statue dénonce les violences faites aux femmes, nous rappelle les marques que les coups peuvent laisser sur le corps, mais également dans l’esprit. Dans le même temps, cette statue de tissu, entièrement doublée de soie à l’extérieur comme à l’intérieur, enrobe le personnage dans un cocon protecteur duquel il pourrait ressortir transformé, incarnant en ce sens un lieu de paix. Les piqûres et surpiqûres, associées à la couleur blanche, nous renvoient également au linceul, au capitonnage des cercueils, à la mort, un moment parfois libérateur pour des femmes victimes de violence, un moment de repos éternel.
Ce « vêtement » est-il une armure ou une carapace qui protège, une camisole qui contraint et enserre, un linceul qui enveloppe ? Coquille est une poupée de chiffon grandeur nature renfermant l’enfance de l’artiste, comme un fantôme du passé. Cette dernière y enferme son trauma pour le dépasser.