Le fonds d’archives Brossin de Méré, constitué de 226 pièces, a été acheté en vente publique auprès de la Manufacture Le Manach le 4 février 2011, avec la participation du Fonds Régional d’Acquisition des Musées, dirigé par la DRAC et le Conseil Régional.
Cette acquisition est venue enrichir le fonds du musée consacré à l’impression sur étoffes. Andrée Brossin de Méré (1915-1987) est en effet une créatrice de génie, une dessinatrice textile qui a marqué l’histoire de la mode et collaboré avec les plus grands couturiers. Les pièces présentées ici révèlent le style très particulier de cette artiste.
Andrée Brossin de Méré (1915-1987)
Andrée Brossin de Méré est née à Genève le 11 janvier 1915. Durant son enfance, elle baigne dans une atmosphère artistique : sa mère est artiste peintre et l’entraine dans les musées de Paris, Rome ou de Hollande. Elle étudie ensuite la peinture et le dessin dans différentes écoles d’art à Lausanne, Rome et Paris.
À partir de 1946, elle commence à s’intéresser au textile et plus particulièrement à l’impression sur étoffes, qui lui permet d’exprimer toute sa fantaisie et son imagination. Dès 1951, son nom apparaît dans la presse, associé à ceux des plus grands couturiers de l’époque, pour qui elle développe des collections spéciales : Christian Dior, Coco Chanel, Christobal Balenciaga, Hubert de Givenchy, Madame Grès ou encore Yves Saint-Laurent.
Le 15 février 1956, elle crée sa propre entreprise Les tisseurs B de M, située à Paris. La filiale de Zurich s’appelle Tissus Brossin de Méré. Elle continue à travailler pour les plus grands noms jusque dans les années 1980, toujours pour Yves Saint Laurent mais également pour Nina Ricci ou encore Paco Rabanne.
Elle réalise beaucoup de collections à thème, qu’elle décline avec dynamisme et créativité. Pour trouver l’inspiration, elle voyage, puise également dans son quotidien et collectionne les objets les plus divers. C’est ainsi qu’en 1951, elle réalise une série de robes en mousseline pour Christian Dior, inspirée par une collection de papillons trouvée aux puces. Tout ce qu’elle voit, tout ce qui l’entoure est prétexte à des compositions textiles, aucun objet ou sujet n’est inapproprié. Elle propose ainsi des pièces imprimées originales et modernes, décorées de quartiers d’orange, de pâtisseries, de crevettes, de salades composées, etc. Cette liberté de ton tranche avec les créations de l’époque, qui favorisent les motifs conventionnels de pois, fleurs et bouquets.
Parmi ces collections les plus marquantes, on notera Bijoux (1956), Les jardins (1961), Les danseurs (1963), Les motifs persans (1964), Les masques (1967).
Quelques pièces présentées
- Échantillon de tissu Bégonias pour Christian Dior
Pour Dior, elle réalise les dessins de la collection printemps-été 1952. Celui-ci lui demande des motifs floraux exaltant la féminité de ses modèles et leur caractère poétique, ce qui donne notamment naissance à la robe Jardin de curé. Le motif de cette robe s’appelle à l’origine Bégonias. Il sera décliné en plusieurs modèles. En plus de Dior, il vient ornementer les créations de Balenciaga en 1953.
Robe et caraco Jardin du Curé, Christian Dior, vers 1952 © Eric Emo/Galliera/Roger-Viollet
Cette robe est issue du motif Bégonias imaginé par Brossin de Méré pour Christian Dior.
- Dessins préparatoires inspirés de fruits pour Hubert de Givenchy
Pour la collection été 1953 de Givenchy, Andrée Brossin de Méré imagine des imprimés frais et gourmands, ici fraise et citron, mais également petits pois, piments, raisins, qu’à l’époque le magazine hebdomadaire Elle qualifiera de « gags ». Nous pensons que le dessin de fraise est à l’origine du motif de la robe de Shauna Trabert, l’épouse de Tony Trabert, à Wimbledon en 1954.
Photographie de deux épouses de joueurs de tennis, Wimbledon le 25 mars 1954
Shauna Trabert épouse de Tony Trabert (à droite) se distingue par sa robe au motif de fraise.
- Échantillon de tissu Parade pour Yves Saint Laurent
Cet échantillon date de 1979-1980. Il sert à la confection de la robe du soir Picasso, pièce phare de la collection automne-hiver 1979-1980 d’Yves Saint-Laurent Hommage à Serge de Diaghilev et à sa collaboration avec Picasso. Il s’inspire des costumes du Ballet Parade. La broderie d’application ornant la jupe est en effet une interprétation des volutes du costume du prestidigitateur chinois.
Parade est un ballet en un acte, commandé par les ballets russes de Serge de Diaghilev, sur une musique d’Erik Satie, d’après un poème de Jean Cocteau, avec une chorégraphie de Léonide Massine et des décors, costumes et rideau de scène de Pablo Picasso.
Robe du soir Picasso, Yves-Saint-Laurent, 1979-1980 © Les Arts Décoratifs, musée de la mode et du textile, Photo Jean Tholance
- Dessin préparatoire inspiré de Klimt
Cette maquette préparatoire est issue d’un tableau du peintre autrichien Gustav Klimt (1862-1918) Le Portrait d’Adèle Bloch-Bauer. Le tableau de Klimt est une huile sur toile de 1907, agrémentée d’or et d’argent, et présente un ornement riche et raffiné typique du Jugendstill (nom donné à l’art nouveau en Allemagne). Andrée Brossin de Méré s’est largement inspirée des figures abstraites de ce tableau. Nous retrouvons notamment la profusion des motifs ovoïdes.
Nous conservons d’autres dessins inspirés de ce tableau, qui ont sans doute servi à la réalisation d’une robe en soie, lurex et rhodoïd du couturier James Galanos (1924-2016), présentée dans la salle d’introduction du parcours permanent textile. Deux robes collection automne hiver 1969-1970 de James Galanos, fabriquées dans le même brocart, sont conservées au MET De New-York.